Les mesures de compensation des désavantages dans la formation post-obligatoire du Canton du Valais

Gaëlle Zufferey et Laurent Seppey

Résumé
Le canton du Valais a récemment renforcé l’accompagnement des jeunes présentant des troubles neurodéveloppementaux (dont les troubles spécifiques d’apprentissage [troubles « dys »]), les troubles du langage, les troubles du spectre de l’autisme (TSA), le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) et les troubles de la coordination motrice dans les filières générale et professionnelle de la formation post-obligatoire. La création de deux postes de coordination, des consignes harmonisées et un concept cantonal visent aujourd’hui à assurer l’équité et la continuité des mesures de compensation des désavantages (MCDD) dès l’entrée en formation post-obligatoire.

Zusammenfassung

Der Kanton Wallis hat kürzlich die Begleitung von Jugendlichen mit neurologischen Entwicklungsstörungen (einschliesslich spezifischer Lernstörungen [« Dys »-Störungen]), Kommunikationsstörungen, Autismus-Spektrum-Störungen (ASS), Aufmerksamkeitsdefizit-/Hyperaktivitätsstörungen (ADS/ADHS) und motorischen Störungen in der allgemeinen und beruflichen nachobligatorischen Bildung verstärkt. Es wurden zwei Koordinationsstellen, einheitliche Richtlinien und ein kantonales Konzept geschaffen. Diese sollen die Gleichbehandlung und die Weiterführung des Nachteilsausgleichs beim Eintritt in die nachobligatorische Bildung gewährleisten.

Keywords: besoins éducatifs particuliers, compensation des désavantages, équité des chances, formation post-obligatoire, handicap, Valais / Behinderung, besonderer Bildungsbedarf, Chancengerechtigkeit, nachobligatorische Bildung, Nachteilsausgleich, Wallis

DOI: https://doi.org/10.57161/r2025-03-03

Revue Suisse de Pédagogie Spécialisée, Vol. 15, 03/2025

Creative Common BY

Introduction

La compensation des désavantages est désormais bien connue au niveau de la scolarité obligatoire en Suisse romande et son application est bien ancrée. Les écoles primaires et les cycles d’orientation valaisans ne font pas exception : des mesures pour compenser les inégalités liées à des handicaps reconnus (les troubles neurodéveloppementaux, dont les troubles spécifiques d’apprentissage, les troubles du langage, les troubles de la coordination motrice, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité [TDA/H], les troubles du spectre de l’autisme [TSA]) sont mises en place. Les différents professionnelles et professionnels du monde de l’enseignement et du monde médicothérapeutique ont l’habitude d’accompagner au quotidien des élèves au bénéfice de mesures de compensation des désavantages (MCDD). Il est en revanche moins répandu que ces mesures se poursuivent dès l’entrée au secondaire II, dans la formation post-obligatoire générale (Écoles de commerce et de culture générale [ECCG], Lycées-Collèges) ou dans la formation professionnelle (Écoles des métiers, entreprises formatrices). Même si elles ne sont pas automatiquement reconduites, des mesures compensatoires sont tout à fait possibles et existantes au secondaire II. Cette information essentielle, au moment d’une transition importante, ne semble parfois pas connue des jeunes et de leurs parents. Pourtant, des directives cantonales concernant le secondaire II mentionnent les procédures à suivre si un jeune souhaite bénéficier de MCDD dans sa formation post-obligatoire, notamment les Directives du 20 novembre 2015 relatives à des mesures scolaires particulières pour les enfants souffrant de troubles et de handicap divers dans les écoles du secondaire II général et professionnel, et plus récemment, les Directives du 1er aout 2024 relatives à la réévaluation des mesures et du diagnostic en matière de prolongation d’une mesure de compensation des désavantages (DEF). Aujourd’hui, nous remarquons malgré tout qu’un certain nombre d’apprenantes et apprenants arrivant au secondaire II n’entament pas de démarche visant l’obtention de MCDD pour leur formation, alors qu’elles et ils en bénéficiaient quelques semaines auparavant. Plusieurs hypothèses sont formulées pour expliquer ce phénomène, comme une méconnaissance des possibilités et des procédures, un souhait de démarrer un nouveau cycle de formation sans étiquette liée à un trouble, une évolution des stratégies d’apprentissage personnelles et de compensation des besoins particuliers, ou encore l’introduction récente du Bring your own device (BYOD) dans les écoles du secondaire II.

Quoiqu’il en soit, dans une volonté de poursuivre l’accompagnement des jeunes bénéficiant de mesures compensatoires au-delà de la scolarité obligatoire, le Département de l’économie et de la formation (DEF) du Canton du Valais a souhaité se positionner encore davantage en tant qu’acteur partenaire dans l’encadrement des jeunes avec des besoins éducatifs particuliers.

Origines légales du dispositif

Le dispositif actuel d’encadrement des jeunes avec des besoins éducatifs particuliers s’inscrit dans un contexte de lois cantonales, fédérales et de textes internationaux et cantonaux que nous souhaitons rappeler ci-dessous.

Au niveau fédéral et intercantonal

Au niveau du Canton du Valais

Présentation du dispositif

Depuis deux années scolaires complètes, un dispositif particulier a été mis en place en Valais afin de renforcer la coordination des situations d’apprenantes et apprenants au bénéfice de mesures de compensation des désavantages.

Mise à disposition de ressources supplémentaires

Une première étape importante pour le Canton du Valais a été la création de deux postes de coordination pour accompagner les établissements de la formation post-obligatoire générale et professionnelle dans la gestion des situations et dans l’accompagnement des jeunes bénéficiant de mesures compensatoires. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2023-2024, deux personnes ont été nommées pour consolider l’harmonisation des MCDD au secondaire II. Ces deux personnes sont l’autrice et l’auteur de cet article.

Grâce à cette décision du canton du Valais, le Service de l’enseignement a créé le poste de « professeure spécialisée ou professeur spécialisé » dont la mission principale est la coordination cantonale des mesures de compensation des désavantages dans les établissements scolaires de formation générale (Lycées-collèges et Écoles de commerce et de culture générale). C’est une enseignante formée pour l’enseignement au secondaire II, mais également titulaire d’une formation en enseignement spécialisé, qui endosse ce rôle. Les interventions de la coordinatrice sont indirectes, car, contrairement à la scolarité obligatoire, elle ne rencontre pas les apprenantes et apprenants concernés par les mesures compensatoires. Les suivis se font en collaboration avec les directions et avec les personnes référentes responsables des MCDD dans les différents établissements cantonaux. Les missions de la professeure spécialisée reposent sur des principes d’accompagnement des professionnelles et professionnels sur le terrain. Elle est également en contact constant avec les inspecteurs de la scolarité post-obligatoire du Service de l’enseignement ainsi qu’avec le chef de l’Office de l’enseignement spécialisé. Parmi les activités énumérées dans le cahier des charges, on peut mettre en évidence :

Le Service de la formation professionnelle (SFOP) a, quant à lui, ouvert un poste de « coordinatrice ou coordinateur pour les mesures de compensation des désavantages dans les établissements scolaires du secondaire II professionnel et le monde du travail ».

La coordinatrice ou le coordinateur joue un rôle essentiel dans la réflexion sur les systèmes éducatifs du secondaire II professionnel et dans la mise en œuvre de mesures de soutien pédagogique adaptées aux besoins particuliers des apprenties et apprentis. Elle ou il développe et surveille ces mesures pour en assurer l’efficacité et l’harmonisation sur l’ensemble du canton. Sa mission principale inclut des prestations aux écoles professionnelles, en analysant les situations contingentes et en définissant des objectifs avec le SFOP pour l’ensemble des prestataires liés à la formation professionnelle. Il s’agit, par exemple, des activités suivantes :

Avancée et orientation

Bien que les missions de la coordinatrice et du coordinateur en place soient relativement similaires, l’orientation choisie pour la gestion des MCDD est un peu différente dans la formation post-obligatoire générale et professionnelle.

En effet, pour les établissements de la formation générale (Lycées-collèges et ECCG), un document de consignes cantonales harmonisées a été rédigé et introduit en septembre 2024. Ainsi, l’ensemble des actrices et acteurs de la formation secondaire II ont reçu un cadre précis pour la gestion et l’octroi des mesures compensatoires. Avant ces consignes cantonales, chaque établissement disposait de sa propre procédure et les mesures accordées différaient parfois fortement d’un lieu de formation à l’autre. Même si un travail de coordination notamment avec l’Office de l’enseignement spécialisé était effectif, des disparités existaient, et les étudiantes et étudiants n’obtenaient pas forcément les mêmes soutiens en fonction de l’établissement scolaire fréquenté. Avec l’introduction du document de consignes valables pour tous les établissements de formation générale, le SE a souhaité rendre égalitaire l’accès aux mesures de compensation des désavantages, tout en garantissant un cadre délimité et respectueux des exigences des filières concernées, sur lequel directions, enseignantes et enseignants peuvent désormais s’appuyer.

Au niveau de l’enseignement professionnel, depuis la rentrée 2024-2025, un concept cantonal de coordination des mesures en lien avec les troubles des apprentissages dans le secondaire II professionnel (Canton du Valais, s.d.) a été proposé avec comme leitmotiv « L’individu au centre de la formation ». Dans un esprit de co-construction, l’élaboration de ce nouveau concept a été initiée et portée en collaboration avec les écoles professionnelles du canton et avec l’ensemble des actrices et acteurs de la formation professionnelle ; l’objectif du SFOP est de pouvoir assurer la meilleure inclusion formative et professionnelle possible au public concerné dans le contexte du premier marché du travail, tout en gardant le niveau de compétences exigé par la branche professionnelle.

Dès lors, en début de formation, un accompagnement individualisé et spécialisé a été introduit : des enseignantes spécialisées, engagées par le SFOP, rencontrent les jeunes qui démarrent leur cursus de formation afin d’identifier les besoins et définir l’ensemble des aménagements légitimes et appropriés pour chaque situation. L’intérêt de cette démarche est double. D’une part elle vise l’augmentation de la participation des bénéficiaires à la formulation de leurs besoins. D’autre part, elle permet de procéder à une réévaluation des mesures durant la formation en stimulant l’autonomie et l’appropriation des stratégies d’apprentissage.

Bien que les approches soient différentes, la coordinatrice et le coordinateur cantonaux, ainsi que leur service respectif, ont le souci d’une collaboration efficace et transparente. La reconnaissance des troubles, en tant que handicaps dont les répercussions nécessitent d’être compensées, est essentielle. La volonté de toutes et tous est de permettre aux apprenantes et apprenants de trouver un équilibre adéquat au sein de leur formation.

Une première grande (r)évolution survenue, qui lie voie générale et voie professionnelle, a été la mise en œuvre des nouvelles Directives relatives à la réévaluation des mesures et du diagnostic en matière de prolongation d’une mesure de compensation des désavantages (DEF, 2024). Avant le 1er aout 2024 – date d’entrée en vigueur du nouveau texte –, la réévaluation des diagnostics était demandée à chaque changement de cycle d’apprentissage. Ainsi, chaque apprenante et apprenant valaisan qui passait de la scolarité obligatoire à la scolarité post-obligatoire, générale ou professionnelle, devait effectuer un nouveau bilan diagnostique, auprès d’une ou un médecin ou thérapeute spécialisé, afin de pouvoir bénéficier de mesures compensatoires. Depuis l’introduction de ces nouvelles directives, les mesures pédagogiques sont adaptées à chaque transition sans une réévaluation diagnostique. Cela a été possible grâce à la volonté commune de faciliter les transitions et de reconnaitre les troubles des apprentissages comme des handicaps durables.

Constats

Actuellement, pour les établissements de la formation post-obligatoire, générale ou professionnelle, nous ne disposons pas de chiffres permettant de quantifier les situations de jeunes bénéficiant de MCDD. Les données recueillies auprès des établissements le sont uniquement depuis la rentrée scolaire 2024-2025. Cependant, nous pouvons percevoir une hausse progressive des demandes : de plus en plus d’apprenantes et apprenants bénéficiant de mesures compensatoires arrivent dans la formation post-obligatoire. Les Services valaisans de l’enseignement et de la formation professionnelle cherchent à répondre à la difficulté croissante ressentie dans les établissements scolaires à accompagner de manière adéquate les jeunes. L’objectif vise à être le plus possible en action plutôt qu’en réaction. Le Canton du Valais est actuellement dans une phase de transition. Plusieurs évolutions et changements importants ont déjà eu lieu, mais l’adaptation de l’ensemble des actrices et acteurs de la formation demande du temps et soulève encore de nombreuses questions.

Un constat général provient de l’harmonisation en cours via : les deux fonctions de coordination ; le document de consignes du SE ; le concept de coordination cantonale du SFOP ; l’encadrement et le suivi des situations de jeunes bénéficiant d’un cadre posé ; et différents éléments formalisés. Une certaine rigueur dans le processus de demande, d’octroi et d’évaluation des mesures a également permis une meilleure prise en compte des individus et de leurs droits. Ainsi, les droits et devoirs des établissements et des jeunes sont à présent mieux connus et surtout davantage explicités.

En outre, la thématique des besoins éducatifs particuliers semble de plus en plus connue : des questionnements émergent dans les écoles (à travers les directions d’établissement et/ou les groupes de branche). À présent, des coordinatrices et coordinateurs sont disponibles pour répondre à ces interrogations ainsi que pour apporter des éléments de compréhension et d’accompagnement des jeunes. Une montée en compétences du corps professoral et des directions notamment en lien avec les troubles neurodéveloppementaux (principalement les troubles spécifiques des apprentissages, le TDA/H et les TSA) est également ressentie. De plus, les réflexions en lien avec la diversité des apprenantes et apprenants sont renforcées dans les établissements du secondaire II général et professionnel.

Enfin, la transition entre l’école obligatoire et la formation post-obligatoire est de plus en plus sécurisante pour les parents et les jeunes qui savent à présent qu’il existe également des mesures de compensation des désavantages au-delà de la scolarité obligatoire et que les diagnostics ne doivent plus constamment être réévalués.

Conclusion

Avec l’introduction des deux postes de coordination cantonale dans les deux voies de l’enseignement du secondaire II, le DEF a réalisé un grand pas en avant dans la prise en compte et le suivi des situations de jeunes au bénéfice de MCDD. Les troubles sont aujourd’hui tout à fait reconnus : ils sont des facteurs de vulnérabilité scolaire et les difficultés qu’ils engendrent ne devraient pas, à elles seules, entraver le parcours de formation des apprenantes et apprenants valaisans.

Désormais, les établissements du secondaire II sont accompagnés et chaque école dispose d’une personne de référence à laquelle s’adresser en cas de doute ou de questionnement à propos des situations de jeunes avec des troubles neurodéveloppementaux ou d’autres troubles. Même si toutes les difficultés ne sont pas surmontées, si le parcours des jeunes à besoins éducatifs particuliers demeure complexe et si des questionnements concernant l’accompagnement le plus adéquat de ces apprenantes et apprenants surgissent dans les pratiques des enseignantes et enseignants de la formation générale et professionnelle, la volonté du Canton du Valais de s’outiller et de permettre un meilleur suivi est manifeste.

Nous assumons n’être qu’au début d’un processus. De nombreuses pistes de travail restent à poursuivre, notamment dans le cadre des transitions de la scolarité obligatoire vers le post-obligatoire. L’amélioration de cette transition importante pourrait, par exemple, passer par l’encadrement plus strict des projets scolaires et professionnels avant l’entrée au secondaire II, en collaboration étroite avec les conseillers de l’Office d’orientation scolaire et professionnelle.

La formation du corps professoral est également un point d’attention essentiel pour poursuivre l’amélioration de ces accompagnements. Le souhait de la coordinatrice et du coordinateur cantonal est de proposer aux établissements scolaires la participation à des formations continues spécifiques (concernant les troubles des apprentissages, TSA, TDA/H, les neurosciences, les outils et logiciels, etc.) et des espaces d’échanges plus fréquents. Enfin, une dernière piste de réflexion serait la mise en avant de la conception universelle de l’apprentissage dans les établissements scolaires. Cela permettrait de diminuer les mesures individuelles, parfois difficiles à mettre en place, au profit d’un travail tenant compte de la diversité des apprenantes et apprenants. Finalement, la stratégie numérique cantonale, ainsi que le BYOD pourront également apporter leurs bénéfices en favorisant l’utilisation d’outils pédagogiques pertinents.

Autrice et auteur

Gaëlle Zufferey
Coordinatrice cantonale MCDD,
secondaire II général

Service de l’enseignement (SE),
Canton du Valais

gaelle.zufferey@admin.vs.ch

Laurent Seppey

Coordinateur cantonal MCDD,
secondaire II professionnel

Service de la formation professionnelle (SFOP), Canton du Valais

laurent.seppey@admin.vs.ch

Références

Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (A-CDPS) du 25 octobre 2007, RS 417.91 (État le 31.10.2024). https://www.lexfind.ch/tolv/247389/fr

Commission suisse de maturité [CSM] (2024, 20 septembre). Directive concernant l’harmonisation des mesures de compensation des désavantages dans le domaine de la maturité gymnasiale. Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche [DEF]. https://backend.sbfi.admin.ch/fileservice/sdweb-docs-prod-sbfitestch-files/files/2025/05/23/40ad2928-dee6-4287-8382-dce0f4c53dfd.pdf

Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) du 18 avril 1999, RS 101 (État le 3 mars 2024). https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/404/fr

Département de l’économie et de la formation du Canton du s [DEF]. Directives relatives à la réévaluation des mesures et du diagnostic en matière de prolongation d’une mesure de compensation des désavantages du 1er aout 2024 [non publié]