Maltraitance des personnes en situation de handicap dans le milieu familial

Détection, prévention et prise en charge

Lautaro Diaz, Josephine Convertini, Sarah Peverelli, Arnaud Ayrinhac et Vincent Guinchat

Résumé
Le thème de la maltraitance est extrêmement complexe en raison de ses multiples manifestations, de son impact et de l'inconfort qu’elle exacerbe, des tabous qui y sont associés et des interactions entre les différentes dimensions de sa compréhension. Cette complexité s’accentue lorsque les personnes qui en sont victimes appartiennent à des populations vulnérables, comme c’est le cas des personnes en situation de handicap, notamment de celles présentant une déficience intellectuelle (DI). Dans cet article, nous abordons le thème de la maltraitance, dans le milieu familial, des personnes en situation de handicap, telle que nous la connaissons dans notre pratique au sein du Service des troubles du spectre de l’autisme du CHUV. Nous nous référons à un profil spécifique de familles : celles dont une ou un membre avec DI présente des comportements défis. Nous décrivons les stratégies d’intervention clinique que nous appliquons pour accompagner ces familles dans la prévention, le ressourcement et la gestion des crises comportementales, afin d’éviter une spirale d’aggravation.

Zusammenfassung
Das Thema Missbrauch ist sehr komplex: Missbrauch hat viele Formen, zeigt verschiedene Auswirkungen, ruft oft Unbehagen hervor und ist mit Tabus verbunden. Ausserdem gibt es viele Wechselwirkungen zwischen den verschiedenen Aspekten, wie Missbrauch verstanden wird. Diese Komplexität wird noch verstärkt, wenn die Betroffenen zu gefährdeten Bevölkerungsgruppen gehören, wie es bei Menschen mit (kognitiver) Beeinträchtigung der Fall ist. In diesem Artikel befassen wir uns mit der Misshandlung von Menschen mit Behinderungen in der Familie, wie wir sie in unserer Praxis in der Abteilung für Autismus-Spektrum-Störungen des Universitätsspitals Lausanne (CHUV) erleben. Wir beziehen uns auf ein bestimmtes Profil von Familien: Familien, in denen ein Mitglied herausfordernde Verhaltensweisen zeigt. Wir beschreiben die klinischen Interventionsstrategien bei der Prävention, der Stärkung und der Bewältigung von Verhaltenskrisen, um so eine Spirale der Verschlimmerung zu vermeiden.

Keywords: déficience intellectuelle, maltraitance, famille, prévention / kognitive Beeinträchtigung, Misshandlung, Familie, Prävention

DOI: https://doi.org/10.57161/r2025-01-04

Revue Suisse de Pédagogie Spécialisée, Vol. 15, 01/2025

Creative Common BY

Introduction

La maltraitance est présentée dans la littérature selon de nombreuses définitions. Fortement impacté par les représentations sociales, le concept évolue au fil du temps, mais reste très souvent lié à la notion de violence (Masse et Petitpierre, 2011). Différentes typologies ont cependant été présentées (Da Silva et al., 2024) : a) la maltraitance physique, comme, par exemple, les mesures de contrainte ; b) la maltraitance émotionnelle, par exemple l’humiliation ; c) la maltraitance sexuelle, par exemple par le biais de prédateurs en ligne ou tels le harcèlement sexuel, les attouchements ou encore la pénétration non consensuelle ; d) la négligence, par exemple le manque de fourniture de repas quotidiens ou de soins médicaux ; finalement, e) la maltraitance financière, par exemple l’exploitation.

Initialement, la notion de maltraitance est utilisée dans le cadre de la protection des enfants (Durning, 2000), mais son périmètre s’est élargi pour inclure la famille. La maltraitance familiale ou domestique se rapporte alors à tout acte de violence, qu’il soit dirigé ou commis par négligence ou omission, entre différentes personnes membres d’une même famille (que ce soit sur un enfant, entre parents, dans la fratrie, ou vis-à-vis d’une personne âgée) (Saleme et al., 2023).

La maltraitance s’applique à toute personne vulnérable dans un contexte de relation de dépendance (Brown et al., 2003). Le concept de vulnérabilité n’implique pas seulement l’asymétrie des forces physiques, mais s’applique aussi à la relation d’aide : la personne vulnérable a besoin, à différents degrés, d’une autre personne qui est, elle, en mesure de l’aider dans sa subsistance et son fonctionnement au quotidien. Cette relation d’aide implique également une relation de confiance. L’accompagnement des personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) soulève naturellement la notion de vulnérabilité à tous les âges de la vie, avec un enjeu majeur sur la nécessité d’une vigilance accrue vis-à-vis du risque de maltraitance. Des progrès considérables ont été réalisés dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap (promotion de la participation sociale ou de l’autodétermination, p. ex.) pour s’affranchir d’un système longtemps considéré comme stigmatisant et aliénant (privation de liberté, p. ex.). Toutefois, le risque de maltraitance reste inhérent à la condition de vulnérabilité de la personne présentant une DI. Ce d’autant qu’il est parfois difficile de distinguer le risque de maltraitance d’une inadéquation structurelle dans la prise en compte des besoins des personnes en situation de handicap.

Nous aborderons ici les difficultés liées à la définition de la maltraitance et donc à son repérage chez les personnes en situation de handicap, notamment celles présentant une DI et/ou un trouble du spectre de l’autisme. Nous nous attarderons plus spécifiquement sur la gestion, par le milieu familial, de caractéristiques spécifiques du fonctionnement de la personne concernée (comportements défis notamment). En raison d’un manque d’outils et/ou d’un fléchissement de ressources pour la gestion de ces comportements, les réponses des familles, souvent impactées par un burnout, peuvent compromettre le soutien social de la personne en situation de handicap et générer une spirale d'aggravation progressive – avec un risque d’amplification de la problématique comportementale – dans laquelle la maltraitance apparait comme le corolaire d'un manque de ressources et de solutions adaptées à l’accompagnement. Finalement, nous présenterons les moyens pragmatiques proposés et mis en place par notre équipe afin de prévenir l’occurrence d’épisodes de maltraitance.

Maltraitance et déficience intellectuelle

La littérature est pauvre sur ce sujet. La thématique est fréquemment traitée d'une manière sectorielle, selon les différents milieux (p. ex., institution, famille) et/ou groupes de vulnérabilités (p. ex., enfants, personnes âgées). Les données officielles de prévalence sont quasi inexistantes en Suisse (Conseil Fédéral, 2023), mais – sur le plan international – la maltraitance est estimée être trois à sept fois plus fréquentes chez les personnes en situation de handicap présentant une DI que dans la population générale (Hassiotis et al., 2019).

En dehors des situations de maltraitance extrêmes (abus, crimes, paraphilies, etc.), il est admis un système fallacieux de détection ainsi qu’un phénomène de sous-déclaration des épisodes de violence (Willott, 2020). Nous identifions ici deux raisons principales qui rendent son identification difficile.

  1. Les spécificités relatives à la personne. Les personnes en situation de handicap présentant une DI ne disposent pas toujours de moyens pour signaler les violences qu’elles auraient subies. Selon Legano et al. (2021), plusieurs facteurs vont ainsi faire obstacle au processus de déclaration de vécu de violence : a) elles peuvent être dans l’incapacité de reconnaitre qu'il s'agit d’une forme de violence familiale ou extrafamiliale ; b) elles peuvent ignorer à qui s'adresser et à qui demander de l'aide ; c) les personnes non verbales ou avec des capacités limitées de communication peuvent être incapables de trouver la manière de transmettre l’information ou ne pas avoir l’information dans leur répertoire d’expression ; et d) elles peuvent avoir peur des conséquences et vouloir conserver intact un système qui, bien que dysfonctionnel, reste familier.
  2. Les facteurs liés à l’environnement social de la personne en situation de handicap. La multiplication de personnes impliquées dans l’accompagnement entraine une dilution des responsabilités. La pluralité des points de vue peut également entraver la démarche de dénonciation, rendant ainsi plus difficile la mise en œuvre d’un travail de justice et de protection, notamment au sein du milieu familial. Ces caractéristiques peuvent, pour trois raisons notamment, diminuer le soutien apporté à la personne en situation de handicap dans son processus de signalement par (Tichon, 1998) : a) le sentiment d’être source d'intrusion dans la vie privée de l’autre ; b) la croyance qu’aucun service ne pourra intervenir efficacement ; c) l'anticipation de conséquences négatives dans le scénario possible où la violence ne s'est pas produite.

Face aux difficultés que la personne et son entourage rencontrent pour déclarer une situation de maltraitance, la détection consiste à identifier ce qui peut être dissimulé ou ne pas être immédiatement observable. Bretherton et al. (2016) présentent des exemples de signes et de symptômes observables ou hétérorapportés qui doivent inciter l’entourage d’une personne en situation de handicap à se poser des questions quant à une éventuelle situation de maltraitance. Ainsi, sans aller jusqu’au repérage clinique de l’état de stress post-traumatique, certains changements de comportement de la personne – tels qu’une agressivité accrue, des problèmes médicaux négligés (p. ex., poids insuffisant), une grossesse, l’observation d’interactions inadaptées de la part des parents, ou l’apparition de comportements en décalage avec son niveau de développement – doivent alerter.

Certains de ces signes doivent toutefois être traités avec circonspection en présence de troubles neurodéveloppementaux tels que l’autisme et la déficience intellectuelle (Tichon, 1998). En effet, potentiellement engendrés par de multiples facteurs développementaux, sociaux et/ou médicaux, les comportements d’autoagressivité, le manque d'estime de soi ou l’anxiété sont assez typiques chez ces personnes et peuvent entrainer une symptomatologie similaire à celle qui découle des actes de maltraitance. En effet, des lésions ou des ecchymoses peuvent provenir de violences physiques, mais aussi de chutes dues à des troubles vestibulaires ou des comportements d’automutilation. Par ailleurs, l'anxiété ou la dépression peuvent résulter aussi bien d'abus psychologiques que d'une faible estime de soi, en réaction au manque d’opportunités et aux difficultés de participation sociale (Forte et al., 2011), par exemple.

Le risque de burn-out parental et la spirale d’aggravation progressive

La place qu’occupent les personnes en situation de handicap dans le système familial est souvent centrale, elles font l’objet d’une attention soutenue tout au long de leur existence (Tournier et al., 2021). Les raisons qui expliquent cette place particulière sont :

Ces derniers comportements, souvent désignés comme des comportements défis en raison des enjeux qu’ils posent pour l’accompagnement, sont une source de stress supplémentaire pour l’entourage (Roberts & Symons, 2024). Ils reflètent d’abord les difficultés adaptatives de la personne, ou l’expression de certains besoins. Mais, ils peuvent altérer de manière significative la qualité des interactions avec les aidantes et les aidants lorsqu’ils se rigidifient, deviennent plus sévères, ou sont sous-tendus par des troubles médicaux. Ces comportements défis sont ainsi associés à des vécus négatifs et des émotions fortes chez les parents, tels que la colère, la tristesse, la frustration et la dépression (Glidden, 2011).

Concrètement, les familles se retrouvent souvent démunies, confrontées à une situation complexe et précaire, en première ligne jour et nuit. Le stress généré par ces situations peut les pousser à chercher à limiter l’impact et réduire les conséquences négatives des crises comportementales. Dans leur démarche, elles sont susceptibles soit d’éviter la situation négative et de mettre en place des mesures de contrainte, soit de se suradapter aux comportements défis, venant dans tous les cas les renforcer.

Parallèlement à la péjoration de la situation familiale, l’étayage du réseau de soutien peut être entravé par de nombreux facteurs de complexité psychosociaux : absence de relais pour les aidantes et les aidants, moyens financiers insuffisants, pratiques éducatives divergentes liées à des cultures différentes, ou encore connaissance limitée de la langue locale dans certaines situations. Nous assistons alors à une spirale d’aggravation progressive qui peut conduire à l’isolement (inaccessibilité des services et isolement social) et à la marginalisation. Si celle-ci est favorisée par une vulnérabilité familiale préexistante potentialisée par la répétition des comportements défis, elle survient aussi chez des familles étayantes et bienveillantes (Roskam et al., 2012). Cette exposition à un stress chronique peut mener jusqu’au burnout parental, lui-même facteur de risque pour le développement de contreattitudes et donc de maltraitance envers le proche en situation de handicap (Fang, 2022).

Ces situations extrêmes témoignent finalement d’une vulnérabilité partagée entre la personne en situation de handicap et ses aidantes et aidants, soulignant l'importance de soutenir les familles et de mettre en place des interventions adaptées pour amortir et désamorcer cette spirale, favorisant ainsi la prévention du risque de marginalisation (Unwin & Deb, 2011) et donc de maltraitance. Dans ce sens, Lefèvre-Utile et al. (2018) stipulent que la relation d’aide implique de se protéger pour protéger l’autre et de préserver le lien nécessaire à l’accompagnement.

La prévention du burnout parental et la prise en charge : l’accompagnement des familles et la gestion des crises comportementales

L’association entre les comportements défis des personnes en situation de handicap présentant une DI et le risque de maltraitance – via la spirale d’aggravation progressive et le burnout parental – nous rappelle la difficulté, pour beaucoup de parents, de trouver un bon ajustement et des réponses adéquates face à la sidération, la peur et l’épuisement que ces situations génèrent. En dehors du cas particulier où la question du signalement s’impose d’emblée, la situation est différente dans le cas du fléchissement du cadre dû à un facteur d’épuisement. En effet, professionnelles, professionnels et familles doivent apprendre à collaborer dans le respect de la personne en situation de handicap afin de prévenir ou gérer des situations de maltraitance. Il est ainsi essentiel d’agir efficacement sur les comportements défis.

Tout en étant vigilant vis-à-vis du repérage de signes d’épuisement des familles, il est également fondamental de rompre leur isolement et de redynamiser le réseau partenarial multidisciplinaire, comme les professionnelles et professionnels de la santé, les équipes éducatives, les assistantes et assistants sociaux et les conseillères et conseillers cantonaux de l’action sociale, par exemple. Pour ce faire, plusieurs leviers peuvent être activés, telle une boite à outils dans laquelle puiser en fonction des besoins, en les actionnant parallèlement ou successivement.

Un important levier est, par exemple, le soutien par notre équipe mobile. Notre équipe interdisciplinaire est constituée de plusieurs professionnelles et professionnels de la santé mentale spécialisées dans les problématiques des situations du handicap des personnes avec DI. Elle intervient sur demande du réseau d’accompagnement de la personne en situation de handicap. En plus des missions médicales et psychoéducatives, la médiation de l’équipe mobile permet souvent de lever des tensions ou des malentendus entre la famille et les institutions, tensions qui peuvent entraver leur communication. Il est en effet essentiel que toutes les actrices et tous les acteurs de ce suivi puissent se rencontrer, échanger et définir une intervention individualisée, afin d’assurer une cohérence optimale dans l’accompagnement et la réponse aux besoins de la personne en situation de handicap.

L’intervention des équipes sanitaires mobiles spécialisées dans l’accompagnement des situations complexes vise également à fournir aux familles des stratégies pour la prévention et la gestion des crises comportementales. La force de ces équipes réside principalement dans leurs approches multidisciplinaires, reposant sur une observation in situ dans différents milieux. En s’ajustant ainsi au plus proche de la réalité des besoins de la personne en situation de handicap, ces interventions visent à mieux la protéger, elle, mais aussi son entourage.

Les services destinés à soutenir les proches aidants, disponibles dans le secteur social et sanitaire, peuvent également être très utiles pour les familles. Effectivement, les familles doivent pouvoir être orientées vers des prestations adaptées à leurs besoins spécifiques afin de faciliter leur quotidien et l’accompagnement de leur proche en situation de handicap. D’importants efforts ont ainsi été déployés par la Confédération suisse depuis la dernière décennie, comme en témoigne la promotion de projets associatifs visant à prendre en compte et à soutenir les proches aidants (Conseil fédéral, 2014). Ces initiatives, qui s'inscrivent dans une démarche d'inclusion sociale et de promotion de l'autonomie, offrent un éventail de prestations pour informer, orienter ou soutenir les proches. Il s’agit, par exemple, de consultations sociales, d’aides financières, d’un accompagnement à domicile, de conseils et d'assistance, ainsi que de services de relève parentale.

L’optimisation de la dynamique du réseau de santé et l’activation du médecin de famille sont aussi des stratégies cruciales. Dans certaines situations - malgré la mise en place des mesures présentées précédemment - l’accès aux soins risque de se trouver entravé, conduisant à un état de précarité sanitaire. Il est alors crucial de veiller à la présence de la ou du médecin de famille dans le réseau de soutien. Idéalement, c’est cette personne qui devrait assumer le case management médical de la situation (gestion du suivi et des contacts avec l’ensemble des professionnelles et professionnels impliqués dans le suivi médical), d’autant plus si elle entretient déjà un lien et une communication de qualité avec la famille. La mise en place d’un réseau de soins permet en effet de réaliser les premiers examens permettant d’écarter ou de confirmer l’hypothèse somatique ou algique comme facteur à l’origine des comportements défis, et le cas échéant, de solliciter d’autres spécialistes médicaux. Par la suite, l’exploration des pistes neuropsychiatriques, avec éventuellement la possibilité d’introduire ou d’ajuster un traitement psychotrope, constitue un préalable essentiel à l’accompagnement psychoéducatif en tant que tel.

Le transfert de compétences vers les familles joue aussi son rôle. En effet, dans le cadre des interventions à domicile, les équipes mobiles peuvent procéder à une analyse approfondie des comportements problématiques, afin d’évaluer leur impact sur l’environnement. La collaboration entre professionnelles et professionnels permet d’élaborer et de mettre en œuvre des protocoles d’accompagnement et de désescalade. Ces protocoles doivent être transférables aux familles afin de les aider à mieux gérer et augmenter leur sentiment de compétence face aux comportements défis. Dans cette même idée d’accompagnement des familles, celles-ci sont amenées à réfléchir sur leurs propres pratiques et à chercher des solutions alternatives, afin de les aider à sortir des habitudes qui renforceraient les manifestations problématiques. Ces démarches de coconstruction permettent d’harmoniser les réponses apportées à la personne en situation de handicap. Elles impliquent une étude des espaces physiques et de leur configuration, qui sont sécurisés et adaptés. Selon les enjeux et les modalités de l’accueil familial, les équipes mobiles mettront également à disposition du matériel de mise à distance et/ou de protection et proposeront des techniques de mobilisation ou des gestes physiques de protection garantissant la bienveillance dans l’engagement corporel. D’autres outils encore peuvent être proposés en fonction des spécificités et des compétences des personnes en situation de handicap. Par exemple, des outils de communication adaptés aux personnes peu ou non-verbales facilitent les interactions sociales et l'adhésion aux consignes. Enfin, l’aménagement et la structuration de l’environnement, incluant la mise en place des routines et l’aide à la compréhension et à l’anticipation, sont également des éléments essentiels abordés par les équipes mobiles dans le cadre de leur travail avec les familles.

Conclusion

Détecter et prévenir la maltraitance reste un défi complexe, notamment pour les personnes en situation de handicap présentant une DI et leurs proches aidants. Dans cet article, nous avons examiné plus en détail l’une des modalités de la maltraitance : la maltraitance consécutive à l’épuisement des ressources et au manque de solutions adaptées des proches aidants face aux troubles du comportement de la personne accompagnée. Dans ce contexte, l’intervention à domicile des équipes mobiles spécialisées dans les comportements défis est une réponse pertinente pour rompre l’isolement des familles et redynamiser un réseau partenarial et multidisciplinaire. Elle apporte également des outils concrets pour maximiser la sécurité de chacune et chacun selon des pratiques bienveillantes. La prévention du burnout parental et la meilleure gestion des crises comportementales améliorent ainsi la qualité de vie des personnes en situation de handicap et de leurs familles, diminuant le risque de maltraitance en retour. Il est donc pertinent de compléter la notion de maltraitance par celle de bientraitance qui est le but et le moyen d’une démarche efficiente, d’un meilleur traitement et d’une meilleure qualité de l’action. Le concept de bientraitance élargit ainsi le champ de la prévention de la maltraitance en y intégrant la promotion des pratiques positives et bienveillantes (Corbet, 2000).

Autrices et auteurs

Lautaro Diaz
Dr en psychologie

SPDM, STSA, Département de
psychiatrie[1],

Université de Lausanne, Centre
hospitalier universitaire Vaudois

lautaro.diaz@chuv.ch

Josephine Convertini
Dre en psychologie

SPDM, STSA, Département de
psychiatrie[1],

Université de Lausanne, Centre
hospitalier universitaire Vaudois

josephine.convertini@chuv.ch

Sarah Peverelli
Éducatrice sociale

SPDM, STSA, Département de
psychiatrie[1],

Université de Lausanne, Centre
hospitalier universitaire Vaudois

sarah.peverelli@chuv.ch

Arnaud Ayrinhac
Éducateur social

SPDM, STSA, Département de
psychiatrie[1],

Université de Lausanne, Centre
hospitalier universitaire Vaudois

arnaud.ayrinhac@chuv.ch

Vincent Guinchat
Médecin Pédopsychiatre, PhD

SPDM, STSA, Département de
psychiatrie[1],

Université de Lausanne, Centre
hospitalier universitaire Vaudois

vincent.guinchat@chuv.ch

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  1. Section psychiatrique du développement mental, Service des troubles du spectre de l’autisme, Département de psychiatrie, Université de Lausanne, Centre hospitalier universitaire Vaudois