Les blessures cachées

Maltraitance et déficience intellectuelle

Grazia Ceschi

Résumé
La maltraitance des personnes présentant une déficience intellectuelle constitue un véritable défi d’ordre social et psychologique. Cet article explore les conséquences psychologiques de cette violence interpersonnelle, dans le but de mieux l’identifier et d’élaborer des stratégies de prévention plus adaptées. Une meilleure compréhension de ce phénomène, conduisant à la mise en œuvre d'évaluations précoces et d'interventions psychologiques spécialisées, pourrait atténuer les effets dévastateurs de cette maltraitance, à la fois répandue et insidieuse. Cela pourrait contribuer à garantir le droit à la santé de cette population vulnérable.

Zusammenfassung
Die Misshandlung von Menschen mit kognitiver Beeinträchtigung ist eine grosse soziale und psychologische Herausforderung. Dieser Artikel untersucht die psychologischen Folgen dieser zwischenmenschlichen Gewalt mit dem Ziel, sie besser zu erkennen und geeignete Präventionsstrategien zu entwickeln. Ein besseres Verständnis dieses Phänomens würde zu frühzeitigem Erkennen und spezialisierten psychologischen Massnahmen führen. Dies könnte die verheerenden Auswirkungen dieser zwar weit verbreiteten, jedoch oft verheimlichten Misshandlung vermindern. Und es könnte dazu beitragen, das Recht auf Gesundheit für diese gefährdete Bevölkerungsgruppe zu gewährleisten.

Keywords: maltraitance, déficience intellectuelle, état de stress post-traumatique / Misshandlung, Kognitive Beeinträchtigung, Posttraumatische Belastungsstörung

DOI: https://doi.org/10.57161/r2025-01-06

Revue Suisse de Pédagogie Spécialisée, Vol. 15, 01/2025

Creative Common BY

Introduction

De nombreuses études soulignent que la maltraitance des personnes en situation de handicap (SH) est sous-estimée (Amborski et al., 2022 ; Badakhshiyan et al., 2024). Ces personnes sont particulièrement à risque d'abus ou de négligence de la part de leurs proches, du personnel soignant et de la société en général. Les déficiences cognitives et/ou les éventuelles difficultés de communication amplifient ce risque (Hughes et al., 2012 ; Jones et al., 2012) et rendent l'évaluation de l'historique de maltraitance et de ses répercussions psychologiques particulièrement délicate.

La recherche indique que les personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) sont particulièrement vulnérables à la maltraitance, ce qui augmente leur risque de développer un état de stress post-traumatique (ESPT) et des séquelles psychologiques. Parmi l’une des premières études publiées, Catani et Sossalla (2015) examinent l'état de santé mentale de 56 adultes présentant une DI ayant subi des épisodes de maltraitance infantile. Les auteurs révèlent qu'à l'âge adulte, 25 % de ces personnes souffrent d’ESPT et 27 % ont développé une dépression. Bien que les conclusions de cette étude soient limitées par l’absence d’un groupe de contrôle, ces résultats alarmants suggèrent le rôle dévastateur de la maltraitance infantile des personnes présentant une DI.

En nous fondant sur le modèle cognitif de l'ESPT d’Ehlers et Clark (2000), nous visons à analyser la vulnérabilité intellectuelle associée à la DI. À terme, une meilleure compréhension de cette vulnérabilité cognitive en situation de maltraitance facilitera la conception de programmes de dépistage, de prévention et d'intervention psychologique ancrés dans des fondements théoriques et soutenus par des preuves empiriques. Cette lecture cognitive de l’ESPT et des conséquences psychologiques des traumatismes interpersonnels pourra compléter les programmes socioéducatifs traditionnellement mis en œuvre pour faire face à la maltraitance des personnes en SH (Child Welfare Information Gateway, 2018).

La définition problématique du traumatisme et de la maltraitance

Selon les classifications nosographiques actuelles (voir le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, version 5 révisée ; DSM-5-TR ; American Psychiatric Association, 2022), pour poser un diagnostic d’ESPT il est essentiel d'identifier au préalable le traumatisme à l'origine des symptômes observés (critère A). La sévérité du traumatisme corrèle partiellement avec la sévérité des symptômes observés (Brewin, et al. 2000). Il est cependant établi que la plupart des personnes exposées à des traumatismes ne développera pas d'ESPT. Au contraire, certains individus présenteront tous les symptômes d’ESPT sans toutefois avoir été exposés à un évènement traumatique conventionnel ou clairement identifiable. La littérature rapporte, par exemple, des cas d’ESPT à la suite d’expériences atypiques, telles que « un enlèvement par des extraterrestres » (McNally, 2012).

De par ces observations, on considère actuellement que l’ESPT ne découle pas directement de l'exposition à un évènement traumatique, mais qu’il est prioritairement déterminé par l’interprétation subjective des évènements que l’individu pense avoir vécus, ainsi que par les processus de récupération mnésique des souvenirs autobiographiques qui en découlent (Ehlers & Clark, 2000).

Dans la mesure du possible, la définition objective de la sévérité du traumatisme est importante tant du point de vue médicolégal que psychologique. Néanmoins, étant donné que le traumatisme est essentiellement une expérience subjective, l'évaluation du caractère traumatique d'un évènement repose principalement sur les témoignages des individus concernés. Or, les souvenirs autobiographiques, surtout si chargés d’émotions, sont sujets à des distorsions mnésiques, telles que de faux souvenirs et des biais de mémoire (Laney & Loftus, 2005). Ceci complique évidemment toute identification irréfutable de la maltraitance à partir des témoignages des survivantes et des survivants.

Par définition, la DI se distingue par des spécificités de raisonnement et de jugement (American Psychiatric Association, 2022) qui peuvent entrainer des interprétations biaisées, ainsi que la récupération de souvenirs autobiographiques difficilement intelligibles (Beail, 2002). Ces caractéristiques compliquent ultérieurement la narration des épisodes de maltraitance et, par la même, constituent un facteur de risque d’ESPT (McNally et al., 2021).

D’un point de vue descriptif, les études épidémiologiques révèlent que la maltraitance envers les personnes en situation de handicap est multiforme, incluant, par exemple, des violences physiques et psychologiques, des négligences, des abus sexuels, ou du cyberharcèlement (Gérard, 2024). Deux observations générales émergent de cette vaste littérature.

  1. La maltraitance des personnes présentant une DI est fréquente et souvent perpétrée par des proches aidants (Child Welfare Information Gateway, 2018). La vulnérabilité des victimes est exacerbée par une dépendance à autrui, rendue saillante par la présence même d’un handicap. Cette maltraitance est prioritairement constituée de traumatismes interpersonnels.
  2. D'un point de vue psychopathologique, les traumatismes interpersonnels causent des séquelles psychologiques plus sévères par rapport à d'autres types de traumatismes, tels que les accidents. La maltraitance constitue de ce fait un traumatisme aux effets pernicieux, pouvant engendrer des conséquences psychologiques durables (Ceschi & Van der Linden, 2008).

Symptomatologie post-traumatique et facteurs de risque

Sur le plan psychopathologique, l'exposition à des situations traumatiques est un facteur environnemental influençant l'apparition de divers symptômes de santé mentale (Uher & Zwicker, 2017) parmi lesquels : l’ESPT (Ceschi, 2016), l’ESPT complexe (ESPT-C ; Resick et al., 2012), les troubles de l'humeur (Ceschi et al., 2014), les troubles anxieux (Fernandes & Osório, 2015), les symptômes obsessionnels compulsifs (Ceschi et al., 2011), les troubles dissociatifs (Boyer et al., 2022), ou diverses formes de troubles de la personnalité (Snoek et al., 2021).

L’ESPT se caractérise par des épisodes de réviviscence traumatique (p. ex., flashbacks, cauchemars) ; un sentiment de désespoir ; une vision négative de soi, des autres, du monde ou du futur ; un évitement des situations et des pensées en lien avec le traumatisme ; et un état d’hypervigilance neurovégétative (Ceschi, 2016 ; Ceschi & Van Der Linden, 2008). Tel que spécifié par les études sur l’ESPT-C (Resick et al., 2012), les traumatismes interpersonnels (surtout si sévères, répétés et ayant eu lieu à des âges sensibles du développement identitaire, tel quel que la puberté) peuvent entrainer, outre les symptômes d’ESPT, une profonde altération de l'image de soi (incluant une perception négative de soi-même ou des sentiments d'impuissance), une instabilité émotionnelle et des comportements interpersonnels perturbés (p. ex., difficultés à établir des interactions sociales saines, sentiments de méfiance envers les autres, irritabilité en contexte social).

La symptomatologie post-traumatique décrite ci-dessus peut se manifester des années après l'exposition traumatique, ce qui complique ultérieurement l'établissement d'un lien causal univoque entre les manifestations psychologiques observées et la maltraitance subie. La détermination de cette relation, si importante pour la clarification des faits survenus et pour la proposition de mesures de protection adaptées, est ultérieurement compliquée par la nature des symptômes post-traumatiques. Par exemple, les symptômes d’évitement compliquent la prise de conscience et la narration de la maltraitance subie. Bien que cela soit vrai pour toutes et tous, il est raisonnable de penser que ces problèmes puissent être exacerbés par un fonctionnement intellectuel atypique.

En accord avec cette hypothèse, il a été montré que les séquelles psychologiques des victimes de maltraitance varient en fonction d’un certain nombre de facteurs de risque dispositionnels (Brewin et al., 2000). La littérature indique que la DI constitue un facteur de vulnérabilité d’ESPT. Dans ce sens, la méta-analyse de Brewin et al. (2000) confirme qu’un niveau d’intelligence bas (généralement évalué avec un quotient d’intelligence [QI]) et un manque d’éducation constituent des facteurs de risque d’ESPT. De manière contrintuitive, il a été montré que lorsque les traumatismes ne sont pas extrêmes (comme ça pourrait être le cas dans certaines formes de négligence émotionnelle ou physique), les différences interindividuelles sont plus déterminantes. Allant dans ce sens, une étude de Breslau et al. (2013) indique que les individus avec un QI inférieur à la moyenne sont plus susceptibles de développer un ESPT face à des traumatismes moins sévères.

Peu d'informations existent sur l'association entre traumatisme et sévérité de la DI. Une étude transversale a évalué le degré d’exposition traumatique, l’ESPT, et le fonctionnement intellectuel de 570 patientes et patients dans des établissements de santé mentale aux Pays-Bas (Nieuwenhuis et al., 2019). L'étude a révélé que 86 % des participantes et participants avaient été exposés à au moins un évènement traumatique, tandis que 42 % présentaient les symptômes d’ESPT. Parmi les personnes recrutées, 40 % d’entre elles affichaient un fonctionnement intellectuel limite. Ces dernières avaient vécu davantage d'expériences traumatiques que les autres patientes et patients. Les femmes présentant une DI (61 %) avaient subi significativement plus d'abus sexuels que leur pendant masculin (23 %).

En résumé, ces études montrent que les personnes présentant une DI, même légère, rapportent des antécédents traumatiques plus fréquents que les personnes ne présentant pas de DI. Par ailleurs, les personnes présentant une DI affichent une incidence plus élevée de tous les types de traumatismes ainsi qu'un risque accru de présenter des symptômes post-traumatiques.

Modèle cognitif de l’ESPT

Le modèle cognitif d’Ehlers et Clark (2000) met en lumière les processus psychologiques impliqués dans le développement et le maintien des symptômes d’ESPT. Ces processus cognitifs peuvent être perturbés par une DI, augmentant ainsi le risque d’ESPT. Pour Ehlers et Clark (2000), les symptômes post-traumatiques résultent principalement de la perturbation des trois processus psychologiques que voici.

Interprétation biaisée du traumatisme vécu

Un évènement est considéré traumatique s’il est perçu comme étant une menace insurmontable face à laquelle on ne dispose pas de ressources de maitrise. Cette évaluation est influencée par des croyances négatives sur soi-même, le monde, ou le futur, telles que « Je suis faible ! », « Le monde est dangereux ! », ou « Je ne peux faire confiance à personne ! ». Il est raisonnable de supposer que ces croyances et les jugements qui en découlent puissent être biaisés par des facteurs contextuels et/ou personnels, tels qu'une DI.

Récupération mnésique de souvenirs traumatiques incomplets et faiblement contextualisés

Les souvenirs traumatiques peuvent être mal intégrés dans l’histoire de vie de la personne, conduisant à des images intrusives, des flashbacks ou des cauchemars. Ces expériences, appelées « reviviscences traumatiques », sont liées au traumatisme vécu, mais dissociées des informations en lien avec leur contexte d’encodage. Les personnes ayant subi un traumatisme éprouvent donc souvent des difficultés à établir un lien clair entre leurs souvenirs traumatiques et les évènements qui les ont provoqués. Ceci tend à entraver la prise de conscience et la narration de la cause de la souffrance vécue. Cela est particulièrement vrai pour les personnes ayant été exposées à des évènements traumatiques sévères, répétitifs, ou à un âge sensible pour la construction identitaire (enfance ou jeune âge adulte). Dans ces cas, il n’est pas rare de constater, outre l’ESPT, des symptômes dissociatifs (dépersonnalisation, sentiment d’étrangeté à l’évocation du traumatisme, amnésies psychogènes, etc.). Une explication possible de la difficulté à reconnaitre l’ESPT chez les individus présentant une DI est que ces symptômes d’ESPT et d’ESPT-C peuvent facilement être attribués aux caractéristiques de la DI plus qu’à l’exposition à des évènements traumatiques. Ce phénomène est connu sous le nom de « masquage diagnostique » (Jopp & Keys, 2001).

Évitement comportemental et cognitif des informations en lien avec le traumatisme

Les interprétations biaisées et les réviviscences traumatiques entrainent d’intenses émotions négatives (détresse, horreur, peur, anxiété, honte, culpabilités, etc.) provoquant des comportements d'évitement (refus de faire, consommation de substances, etc.) et des stratégies de suppression mentale (oubli, manque d’attention) des informations en lien avec l’évènement traumatique. Bien que ces stratégies offrent un soulagement émotionnel temporaire, elles renforcent les symptômes post-traumatiques et, à terme, compromettent le fonctionnement de la personne.

En résumé, le modèle d'Ehlers et Clark (2000) souligne l'importance de la perception subjective et du traitement des informations traumatiques dans le développement et le maintien des séquelles psychologiques décrites dans le cadre de l’ESPT. Les processus cognitifs impliqués dans ce modèle peuvent être affectés par la présence d’une DI. Les personnes présentant ces particularités intellectuelles pourraient présenter, en situation de traumatisme, une vulnérabilité cognitive accrue.

Repères pour identifier les signes de maltraitance et d’ESPT

Les signes de maltraitance nécessitent une enquête approfondie. Certains signes sont manifestes, tandis que d'autres impliquent une attention plus pointue. Outre les symptômes somatiques (signes physiques d’abus ou de négligence), les allégations explicites et les symptômes d’ESPT (évitements, symptômes de réviviscences, troubles de l’humour, anhédonie, baisse de la motivation, symptômes d’hypervigilance, troubles du sommeil ou de l’appétit), il est crucial d'examiner les problèmes de santé ou de comportement de l'individu, car certaines maltraitances peuvent induire des pathologies somatiques (mal au ventre, tensions musculaires, fatigue, etc.) ou des comportements autodestructeurs (automutilations, crises de colère, etc.). En cas de doute, et même si une cause non abusive semble avoir été identifiée, une investigation reste nécessaire pour écarter tout abus ou négligence. Au vu des statistiques (Child Welfare Information Gateway, 2018, 2023), il semble primordial de ne pas présumer que les prestataires de soins soient exempts de comportements abusifs envers les personnes en SH placées sous leur responsabilité. Pour une revue systématique des signes et des facteurs de risques de maltraitance, il est possible de se référer au récent rapport américain rédigé par le Department of Health and Human Services (Child Welfare Information Gateway, 2023).

Lors de l'interaction avec une personne présentant une DI, il faut être particulièrement vigilant face à tout changement dans son apparence, son rythme de développement ou son comportement. Un changement soudain ou progressif peut indiquer une maltraitance potentielle (Palusci et al., 2015). Pour pouvoir identifier ces modifications au fil du temps, la consistance et la stabilité de la prise en charge sont à privilégier.

Bien que l’exposition à des situations traumatiques soit associée à plusieurs symptômes de santé mentale, des études ont révélé de longs délais entre l’émergence des symptômes post-traumatiques et la mise en place d’un traitement adéquat (Goldstein et al., 2016). Cette situation semble encore plus grave chez les personnes présentant un fonctionnement intellectuel limite (QI de 50-85) chez lesquels l’ESPT reste souvent inaperçu (Nieuwenhuis et al., 2019). Cet état est d’autant plus surprenant que les symptômes post-traumatiques s'expriment de manière similaire chez ces personnes et chez celles sans DI (Hoogstad et al., 2023 ; Mevissen et al., 2016, 2020).

Ces observations indiquent que les symptômes post-traumatiques des individus présentant une DI, même légère, ne sont pas identifiés et/ou interprétés correctement. Cela souligne la nécessité de développer des outils valides et fiables permettant d’évaluer la maltraitance et l’ESPT au sein de cette population. De plus, cela met en lumière l'importance de la psychoéducation concernant les conséquences psychologiques de la maltraitance, ce qui devrait faciliter l'identification de cette problématique, favoriser un diagnostic précoce et permettre la mise en place rapide de mesures de protection et de prise en charge.

Il est important de souligner que les outils conçus pour évaluer l’ESPT au sein de la population générale se basent principalement sur des questions rédigées dans un langage relativement abstrait et idiomatique. Les réponses sont fournies à l’aide d’échelles de Likert, sans aucun support visuel (Kooijmans et al., 2022). La validité de l'utilisation de ces échelles auprès des individus présentant des compétences intellectuelles particulières soulève des interrogations.

Une revue de la littérature par Daveney et al. (2019) a révélé que la version adulte de l'entretien diagnostique sur le Traumatisme et les Événements Stressants adapté aux Déficiences Intellectuelles (Diagnostic Interview Trauma and Stressors – Intellectual Disability ; DITS-ID ; Mevissen et al., 2018) est l'unique outil permettant d'établir un diagnostic d’ESPT selon les critères du DSM-5-TR (American Psychiatric Association, 2022) chez des adultes présentant une DI. Le DITS-ID est un entretien clinique d'une durée d'environ 45 à 60 minutes qui a été validé sur divers échantillons d’adultes présentant une DI. Par exemple, l’étude de Mevissen et al. (2020) soutien l’emploi du DITS-ID comme outil diagnostic pouvant améliorer l’identification de la maltraitance et de l’ESPT des personnes présentant une DI. Malheureusement, à notre connaissance, cet outil n’est actuellement disponible qu’en hollandais.

En utilisant le DITS-ID, Versluis et al. (2024) ont récemment montré que l’ESPT est fortement sous-estimé chez les personnes présentant une DI. Parmi les 97 participantes et participants de l’étude, 88 % ont rapporté un évènement traumatique et 58 % ont été classés comme souffrant d’ESPT, bien que seulement 7 % d’entre eux avaient reçu un diagnostic d’ESPT avant l’étude.

En résumé, les individus présentant une DI, même légère, courent un risque accru de développer un ESPT. Ce trouble reste cependant sous-diagnostiqué et donc sous-traité au sein de cette population. L’étude de Verluis et al. (2024) soutient l’usage du DITS-ID pour affiner ce diagnostic dans cette population. L’adaptation et la validation de cet outil pour un emploi auprès d’une population francophone est à considérer.

Conclusion

La maltraitance des personnes présentant une DI est souvent sous-estimée. Les victimes peuvent souffrir de conséquences psychologiques sévères, comme un ESPT, aggravées par leur difficulté à exprimer leur vécu. Le modèle d'Ehlers et Clark (2000) souligne les processus cognitifs à l'origine des séquelles psychologiques de la maltraitance, fréquemment impactés par la DI. La maltraitance, souvent commise par des proches, a des effets dévastateurs sur l’équilibre psychologique, le comportement, les interactions sociales et in fine la qualité de vie des personnes affectées. Or, il est important de prendre en compte le fait que les séquelles post-traumatiques peuvent s’améliorer grâce à une prise en charge adaptée quand bien même elle serait proposée des années après l’exposition traumatique (National Institute for Health and Care Excellente [NICE], 2018). L’utilisation d’outils diagnostiques adaptés, comme le DITS-ID (Versluis et al., 2024), pourrait améliorer la détection de la maltraitance et de ses séquelles dans cette population à risque et faciliter ainsi l’accès aux mesures requises. Il est essentiel d'encourager la sensibilisation et les initiatives communautaires pour partager ces connaissances afin de promouvoir un environnement accueillant qui reconnaisse la souffrance de ces personnes et puisse leur offrir un accès à des soins de qualité.

Autrice

Dre Grazia Ceschi, PhD
Psychologue et Psychothérapeute reconnue au niveau fédéral

Département de Psychologie, FPSE,

Université de Genève

grazia.ceschi@unige.ch

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