La santé des personnes présentant un polyhandicap : un combat à vie

Juliane Dind

DOI: https://doi.org/10.57161/r2024-04-07

Revue Suisse de Pédagogie Spécialisée, Vol. 14, 04/2024

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Le polyhandicap, du fait des atteintes cérébrales qui en sont à l’origine, est caractérisé par de multiples complications médicales, parmi lesquelles des troubles neurologiques, orthopédiques, digestifs et respiratoires. Celles-ci sont susceptibles de survenir à tous les âges de la vie des personnes présentant un polyhandicap. Les parents font face à de nombreuses exigences pour que les soins de leur enfant présentant un polyhandicap soient assurés, notamment quand ce dernier est malade et reste à la maison, avec d’importantes répercussions sur leur vie professionnelle et sociale. En outre, ils rencontrent des obstacles récurrents lors des nombreux rendez-vous médicaux. Elsa Bonhert Deprez (maman de Jeanne) et Philippe Grand (papa de Muriel) en donnent quelques exemples : (1) le manque d’écoute, par les pédiatres, des inquiétudes des parents sur le développement atypique de leur enfant, (2) l’errance diagnostique, (3) la longueur des attentes dans les salles d'attente, (4) le matériel d’examens médicaux inadapté aux corps polyhandicapés, (5) la pression mise par le personnel soignant pour que l'examen « se passe vite ».

L’évaluation et le traitement de la douleur de leur enfant sont une autre source de grande préoccupation mentionnée par ces parents. En France, le Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS, 2020) propose plusieurs axes d’amélioration, parmi lesquels (1) la préparation des consultations en amont, (2) la réduction du délai d’attente, (3) la participation de l’aidant familial, (4) l’organisation de consultations pluridisciplinaires, (5) l’utilisation de lieux et matériels adaptés ou encore (6) la formation des personnels hospitaliers.

Les personnes présentant un polyhandicap sont toutes susceptibles d’être hospitalisées. Le PNDS recommande, dans la mesure du possible, de favoriser les hospitalisations programmées afin d’assurer une continuité maximale du parcours entre l’amont et l’aval de l’hospitalisation. En cas d‘hospitalisation d’urgence, les services concernés devraient disposer d’une checklist regroupant les points à évaluer rapidement en présence de ce type de patientèle, et contacter des référents « Handicap » au sein des hôpitaux (tels que le dispositif DAC-TSA au CHUV).

Étant donné la place que prennent les soins dans la vie des personnes présentant un polyhandicap, 24h sur 24h, 7 jours sur 7, il est fondamental que les équipes éducatives les considèrent comme faisant intégralement partie de leur mission, comme étant un élément central du projet pédagogique (Imray & Bond, 2015). De plus, elles devraient acquérir une expertise dans l’alimentation par sondes, les manœuvres respiratoires ainsi que la gestion de l’épilepsie et de la médication. Un travail main dans la main avec les équipes de soins infirmiers est par conséquent capital, dans un esprit de transdisciplinarité. Enfin, la connaissance tacite des parents de l’état de santé de leur enfant devrait être davantage écoutée et mieux prise en compte. Il s’agit de la faculté qu’ils ont à « sentir » que celui-ci ne va pas bien, à « lire » en lui ou à « savoir tout simplement » ce qu'il ressent. Or, cette connaissance tacite est implicite et personnelle, difficile à expliciter ou à partager avec d'autres (Kruithof et al., 2024). Aux personnes professionnelles (de tout domaine) de se mettre à l’écoute et d’accompagner ce combat à vie… pour la vie de ces personnes.

Juliane Dind

Lectrice au Département de pédagogie spécialisée de l’Université de Fribourg

Directrice du Petit Conservatoire du Polyhandicap

juliane.dind@unifr.ch