L’inclusion, un concept novateur ?

Hadja a Marca-Kaba

DOI: https://doi.org/10.57161/r2024-03-08

Revue Suisse de Pédagogie Spécialisée, Vol. 14, 03/2024

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Sans nul doute, le concept de l’inclusion est à la mode. Portée par la vague des engagements pris par la Suisse en signant la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes en handicapées (CDPH) en 2014, nombreuses sont les personnes en situation de handicap qui revendiquent sa mise en œuvre. En effet, les innombrables témoignages de discrimination ou de mise à l’écart sont tout à fait affligeants.

Pour ma part, je suis sourde de naissance et porteuse d’appareils auditifs. Lorsque le diagnostic est tombé, mes parents ont opté pour une intégration à l’école ordinaire plutôt que pour l’école spécialisée. À mon sens, et avec du recul, je pense que c’était le meilleur choix pour mon avenir. Au début des années 1990, le concept d’intégration en était à ses balbutiements et il n’était pas encore courant d’avoir un élève « différent » en classe.

J’ai donc eu la chance d’effectuer mon parcours scolaire et de formation en intégration. Pourquoi une chance ? Tout simplement parce que les moyens ont été débloqués pour que celle-ci soit un succès, en particulier en m’offrant un accompagnement en Langue Parlée Complétée (LPC) et un soutien scolaire spécifique à l’école obligatoire. C’est ainsi que j’ai terminé mon cursus en décrochant un Bachelor en Travail social. Pour autant, le chemin n’a pas été exempté d’embuches et les occasions de découragement n’ont pas manqué, en particulier au moment des études supérieures.

Désormais, ce n’est plus d’intégration, mais d’inclusion dont il est question. La nuance entre les deux concepts est ténue. Nul besoin de revenir sur des définitions, l’inclusion se veut clairement plus audacieuse que l’intégration ! Alors, comment ne pas en rêver ? Un parcours qui ne se limiterait plus à être facilité, mais dans lequel la personne en situation de handicap se trouverait sur un réel pied d’égalité avec le commun des mortels, avec tout le pouvoir décisionnel qui lui est dû. C’est un doux rêve, un rêve que je caresse. Toutefois, les échos des débats houleux que suscite l’inclusion sont naturellement parvenus jusqu’à moi. J’observe avec tristesse des situations où le rêve prend soudain des allures de cauchemar : enseignantes et enseignants à la limite du burnout, qui se sont déjà vu imposer des enfants allophones ou présentant des difficultés diverses et variées. Or, voici qu’on grossit encore les rangs de leurs élèves d’enfants « handicapés » que, malgré toute leur bonne volonté, ils peinent ou ne parviennent pas toujours à les accueillir comme il se doit. Tout ça, parce qu’on a oublié de leur fournir les armes pour ce combat. Les personnes professionnelles pour les accompagner et les soutenir dans leur tâche manquent à l’appel. En conséquence, c’est à une levée de boucliers, cruelle, mais compréhensible, que l’on assiste, de la part de parents inquiets de voir se péjorer la qualité de la scolarité de leurs enfants.

Alors l’inclusion, oui ! Un oui très ferme, car j’y crois et je l’appelle de tous mes vœux, mais jamais, au grand jamais, elle ne doit devenir source de conflits, de débats et de ruptures de la cohésion sociale dans l’enseignement. C’est pourquoi j’adresse un fervent appel à nos politiciennes et politiciens, ayant été élus grâce à nos voix – pour rappel, c’est plus de 20 % de la population qui est en situation de handicap – pour qu’ils veillent à ce que l’évolution vers l’inclusion s’effectue dans les règles de l’art et que tous les outils et l’infrastructure nécessaires soient mobilisés pour y parvenir.

Hadja a Marca-Kaba
Éducatrice sociale
Membre du comité de
l’Initiative pour l’inclusion et d’Agile
kaba.hadja@gmail.com

Hadja a Marca-Kaba travaille en tant qu’éducatrice sociale au Service Itinérant Romand en surdité (SIS). Elle est présidente de Toutouïe BEJUNE. Depuis 2021, elle est membre du comité d’Agile. Elle est également active dans l’Association pour les langues parlées complétées (ALPC) et dans l’Association suisse de parents d’enfants déficients auditifs (ASPEDA).