Apprentissage et sciences cognitives

Un bout de chemin vers une école universelle ?

Robin Morand

DOI: https://doi.org/10.57161/r2023-04-00

Revue Suisse de Pédagogie Spécialisée, Vol. 13, 04/2023

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Une société inclusive va de pair avec une société plus accessible. Comme mentionné dans la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap (CDPH) ainsi que dans le rapport du Comité de l’ONU de 2023, la conception universelle est un élément essentiel pour atteindre cet objectif. En effet, il est plus simple de construire un bâtiment accessible à toutes et à tous dès le début, plutôt que de le rendre moins (mais toujours) inaccessible par la suite. Et pourtant, en Suisse, malgré le fait que nous ayons ratifié la CDPH, malgré l’existence de notre Loi fédérale sur l’égalité pour les personnes en situation de handicap (LHand), entrée en vigueur il y a déjà 20 ans, la société inclusive n’est toujours pas une réalité. Nos gares, nos trains et nos arrêts de bus ne sont pas encore tous accessibles. En outre, vous le verrez dans la Tribune libre de ce numéro, la participation politique des personnes sourdes est jonchée de défis. Notre société est-elle inclusive ? Il reste encore du chemin à parcourir.

Qu’en est-il du côté de l’école inclusive ? Elle avance à pas de fourmi entre les disparités cantonales, les résistances politiques ou la mauvaise répartition des ressources. Rappelons que, globalement, au niveau suisse, l’intégration a concerné uniquement les élèves des classes spéciales. La proportion d’élèves en institution séparative (écoles spécialisées) a quant à elle continué à augmenter durant les 40 dernières années (1,4 % en 1980 contre 1,8 % en 2020 au niveau national). Nous sommes donc pas encore arrivés à destination ! Comme Romain Lanners l’a déjà évoqué, « la Suisse se paie actuellement le luxe de deux silos de formation : les écoles ordinaires et les écoles spécialisées. » (2022, p. 57).

Au-delà du décloisonnement administratif et du regroupement des ressources, des changements visant à faire évoluer l’enseignement vers une conception plus universelle seraient nécessaires. Mais que signifie une école conçue de manière universelle ? Je ne parle pas ici uniquement d’une école où l’architecture physique permettrait à chacune et chacun d’y accéder sans obstacle, mais également d’une école qui permettrait à toutes et à tous d’apprendre selon ses besoins et son parcours de vie. À l’instar de la rampe d’accès aux bâtiments, elle proposerait aussi une rampe cognitive. Une telle école prendrait en compte les émotions et la motivation comme éléments cruciaux de l’apprentissage. Elle favoriserait le développement des fonctions exécutive et serait fondamentalement multimodale, en faisant appel à tous les sens tant pour apprendre et comprendre que pour s’exprimer. Elle contextualiserait les apprentissages et favoriserait la métacognition. Une telle école s’intéresserait à la finalité de l’apprentissage et interrogerait les élèves sur leurs préférences. Elle favoriserait également l’entre-aide, la coopération et l’empathie. La plupart des éléments cités ci-dessus sont issus des sciences cognitives. Il en va de même des approches et pratiques pédagogiques jugées efficaces et applicables universellement dans les classes régulières. Ce numéro explore trois thèmes : le système limbique (émotions, motivations et engagement), le processus d’apprentissage et les fonctions exécutives. Le but étant de présenter des pratiques ou des éléments à considérer pour favoriser l’apprentissage de toutes et tous, y compris les élèves à besoins éducatifs particuliers et ce, dans chaque classe et chaque établissement.

Bonne lecture !

Robin Morand
Collaborateur scientifique
SZH/CSPS
robin.morand@csps.ch