Enjeux éthiques relatifs à la vie affective et sexuelle des
personnes avec une déficience intellectuelle

Bernard N. Schumacher

Résumé
On a tendance à traiter les demandes concernant la vie affective et sexuelle sous l’angle d’un droit que le personnel éducatif encadrant se doit d’accorder. Porter un jugement critique et prudentiel sur leurs raisons et leurs conséquences éventuelles serait perçu comme une atteinte au respect du droit à l’autodétermination et, en définitive, à celui de la personne vivant avec une déficience intellectuelle. Or, paradoxalement, appliquer des règles et des procédures sans les faire précéder d’un jugement délibératif ou d’un quelconque discernement, au nom d’un droit à l’exercice de la sexualité, risque d’accroitre la souffrance des personnes vivant avec une déficience intellectuelle.

Zusammenfassung
Es besteht die Tendenz, Anfragen bezüglich des Gefühls- und Sexuallebens als ein Recht zu behandeln, das Betreuungspersonen gewähren müssen. Eine kritische und vorsichtige Beurteilung ihrer Gründe und möglichen Folgen würde als Verletzung des Rechts auf Selbstbestimmung und zuletzt als Verletzung der Person mit kognitiver Beeinträchtigung angesehen werden. Paradoxerweise kann die Anwendung von Regeln und Verfahren ohne vorheriges abwägendes Urteils oder Urteilsvermögen im Namen des Rechts auf Ausübung der Sexualität das Leid von Menschen mit kognitiver Beeinträchtigung vergrößern.

Keywords: affection, amitié, déficience intellectuelle, intimité, sexualité / Zuneigung, Freundschaft, kognitive Beeinträchtigung, Intimität, Sexualität

DOI: https://doi.org/10.57161/r2023-03-01

Revue Suisse de Pédagogie Spécialisée, Vol. 13, 03/2023

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Introduction

En Occident, on ne cesse désormais de parler de vie sexuelle. Il n’est donc pas étonnant de retrouver cette thématique au sein des institutions dont la vocation est d’éduquer et d’accompagner les personnes vivant avec une déficience intellectuelle plus ou moins sévère. La vie sexuelle serait, d’après nos contemporains, nécessaire à notre épanouissement. Il est vrai que la sexualité est un élément constitutif de tout être humain : elle est une modalité de l’expression de l’être rationnel et politique. Si elle implique la dimension de la génitalité, elle ne s’y laisse pas réduire. Bien au contraire, elle imprègne la totalité de la personne, c’est-à-dire aussi bien ses émotions, ses sentiments, que le désir d’entrer en relation profonde et personnelle avec autrui dans une intimité qui laisse place à la pudeur. Réduire la sexualité à la génitalité ou octroyer à cette dernière un poids disproportionné par rapport à ses autres aspects, ce serait principalement percevoir la vie sexuelle de l’être humain ramené à son animalité.

Cela est également le cas, bien entendu, chez les personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Il convient de rappeler, tout d’abord, qu’il s’agit de personnes à part entière. La personne vivant avec une déficience intellectuelle a droit au respect absolu en raison de sa dignité, fondamentale et inaliénable. Elle est également appelée à s’épanouir, notamment au niveau de sa vie affective, donc de sa sexualité, laquelle est une composante de chaque existence humaine. Il n’est pas question de remettre cela en cause. Ce qui fait débat, c’est la manière dont on répond aux demandes relatives à la vie affective et sexuelle lorsqu’elles émanent de personnes vivant avec une déficience intellectuelle plus ou moins sévère. On a tendance à traiter ces demandes sous l’angle d’un droit que le personnel éducatif encadrant devrait accorder. Porter un jugement critique et prudentiel sur leurs raisons et leurs conséquences éventuelles serait perçu comme une atteinte au respect du droit à l’autodétermination et, en définitive, à celui de la personne vivant avec une déficience intellectuelle. Les institutions, de même que les personnes qui y travaillent, ne pourraient pas s’arroger un droit d’examen quant à la légitimité ou non de telles demandes. Leur mission consisterait à mettre des moyens en place pour y répondre sous peine de se voir accusées de paternalisme. Or, paradoxalement, appliquer des règles et des procédures sans les faire précéder d’un jugement délibératif ou d’un quelconque discernement, au nom d’un droit à l’exercice de la sexualité, risque d’accroitre la souffrance de la personne concernée. Ne serait-ce donc pas de la maltraitance ? Recourir à la notion de droit à l’exercice de la sexualité n’exprime-t-il pas une forme de déresponsabilisation des individus comme des institutions ? Tenter de répondre à ces questions est l’enjeu de cet article.

Le besoin sexuel

Un besoin naturel et nécessaire

Dans une première approche, on peut considérer que l’acte sexuel, de manière (très) générale, est un besoin. De quel type de besoin s’agit-il ? Arrêtons-nous un instant sur les propos du philosophe grec Épicure. Au centre de sa réflexion éthique, destinée à permettre d’atteindre un état de bienêtre, se trouve le plaisir, entendu comme la diminution de la souffrance. Il distingue, dans ce cadre, différents types de besoins (Épicure, 2005)[1]. Le premier besoin se caractérise par le fait qu’il est naturel et nécessaire. Il est naturel, car il relève de l’ordre de la nature. Il se différencie donc des besoins que la société suscite. Il est nécessaire, car s’il n’est pas satisfait, l’individu dépérit et meurt. Sa satisfaction est donc vitale pour la santé du corps comme de l’âme. On peut ainsi mentionner le besoin de se protéger des intempéries et du froid lorsqu’on a froid, ou le besoin de manger et de boire lorsqu’on a faim et soif. Il est impératif de satisfaire ces besoins non seulement afin d’éloigner la souffrance que leur non-satisfaction génèrerait, mais aussi et surtout pour se maintenir en vie. Il est ainsi du devoir d’une institution accueillant des personnes avec une déficience intellectuelle de subvenir à leurs besoins naturels et nécessaires. Ne pas le faire serait atteindre à leur dignité fondamentale en tant que personnes.

Un besoin naturel et non nécessaire

Épicure distingue un second besoin qui est lui aussi naturel, sans être nécessaire. Sa satisfaction ne doit pas faire l’objet d’une recherche fébrile ou inconditionnelle. Que l’on pense, par exemple, à l’envie naturelle de bien manger, de gouter des mets succulents dans un restaurant étoilé. Or, il est tout à fait possible de s’en passer, sans pour autant que la non-satisfaction de cette envie – contrairement à celle d’un besoin naturel et nécessaire – mette en péril la personne, ou affecte son bienêtre. Il n’est nullement nécessaire de rechercher telle nourriture ou telle boisson raffinée. La souffrance réside dans la privation de boisson et d’aliment ou encore du vêtement, non dans la privation de telle boisson ou telle nourriture spécifique, ou encore d’un vêtement couteux.

C’est dans cette seconde catégorie de besoin – naturel et non nécessaire – que se situe l’acte sexuel compris dans un sens très large. S’il est nécessaire au plan de l’espèce, sinon l’humanité disparaitrait, il ne l’est pas au plan de l’individu. Celui-ci peut s’en passer sans pour autant que cela lui soit nécessairement douloureux. Cela peut même ne pas entrer en contradiction avec sa notion de bienêtre. Précisons que, si l’acte sexuel est un besoin naturel, mais non nécessaire, cela n’enlève rien à l’importance du plaisir sexuel pour l’individu. Par ailleurs, le fait que le plaisir en soi soit un bien n’implique pas pour autant la nécessité de devoir le poursuivre.

L’exigence éthique d’une délibération prudentielle

Je voudrais insister sur le fait que les causes à l’origine de certains plaisirs peuvent augmenter les souffrances et la confusion jusqu’à leur faire atteindre une bien plus grande intensité que ne sauraient atteindre les plaisirs recherchés. Une chose agréable peut en effet être à l’origine de souffrances. Il s’ensuit que certains plaisirs sont à éviter de peur qu’ils ne causent des douleurs, des afflictions ou ne perturbent la personne à plus ou moins long terme. Il s’agit donc de faire œuvre de discernement, ce qui n’est certes pas toujours aisé ; c’est néanmoins essentiel et salutaire si l’on prend au sérieux la personne vivant avec une déficience intellectuelle. En d’autres termes, il s’agit de juger si la satisfaction d’un besoin sexuel, qui respecterait chacune des parties en présence, lorsque l’expression de ce besoin est formulée par une personne vivant avec une déficience intellectuelle peut être bienfaisante, sans compter que cela pourrait susciter d’autres besoins qu’il serait ardu de satisfaire, ou qu’il ne serait pas souhaitable de satisfaire, et qui peuvent l’amener à davantage souffrir. Et cela d’autant plus si la sexualité ne relève pas uniquement d’un besoin, mais plus d’un désir qu’une relation interpersonnelle véritable caractérise.

L’acte sexuel comme expression d’un désir

Pour mieux saisir cette nouvelle dimension de l’acte sexuel, il nous faut distinguer le besoin du désir. Premièrement, le besoin se caractérise par le fait qu’un objet particulier et déterminé peut le satisfaire : à la faim, qui correspond au besoin de manger, correspond la nourriture susceptible de satisfaire ce besoin. Par ailleurs, lorsque j’ai assez mangé et que la nourriture est devenue mienne, je n’ai plus envie de manger, mon besoin s’est évanoui. Le besoin, de l’ordre de la nécessité, se caractérise par la consommation et l’assimilation de son objet. Dans le Même, il n’y a plus de place pour l’autre. Le besoin se distingue ainsi du désir, qui tend vers « tout autre chose, vers l’absolument autre » (Levinas, 2006, p. 21). Le désir se caractérise par le fait qu’il ne saurait jamais être vraiment satisfait. N’étant pas de l’ordre de la possession, le désir est ouverture vers l’à-venir, dans une quête insatiable qui engendre toujours un nouveau désir. Le désir ne cesse de finir, de se prolonger dans une ouverture à l’infini.

Deuxièmement, le besoin se caractérise par le fait qu’il provient d’un manque qui trouve son origine dans le sujet lui-même : par exemple, il éprouve la faim dans son corps. Dans le besoin, il y a une extériorité – l’objet de la faim – lequel est toutefois assimilé et possédé par le sujet : c’est l’objet mangé. Le manque qui caractérise le besoin disparait lorsque le sujet a consommé l’objet vers lequel est orienté son besoin : la faim disparait après avoir mangé. Le manque qui caractérise le désir, au contraire, se manifeste par une inclination, une attirance vers une réalité extérieure. Cette réalité de laquelle il est séparé arrache le sujet à lui-même, le décentre de lui-même.

Qu’en est-il si on applique ces considérations à l’exercice de la vie sexuelle ? Celle-ci n’est pas uniquement un besoin non nécessaire, non plus qu’une technique, elle correspond à un désir caractérisé comme une modalité de l’être ouvert à une autre personne, puisque seul autrui saurait vraiment répondre à ce désir. Il faut toutefois souligner que, contrairement au besoin qui consomme son objet, le désir sexuel implique que la personne désirée échappe radicalement à toute tentative de possession. Dans le désir sexuel, autrui n’est pas consommable, il ne saurait disparaitre et être assimilé comme peut l’être la nourriture. « [L] » amour consiste dans une dualité insurmontable des êtres. C’est une relation avec ce qui se dérobe à jamais. » (Levinas, 1983, p. 78) Et le médecin et psychanalyste français Denis Vasse de noter : « de désirer quelqu’un pour lui-même, de l’aimer, dans l’exacte mesure où nous n’en avons pas besoin, où il nous est impossible de le consommer ou de le connaître. » (Vasse, 1997, p. 34).

Autrui est considéré dans le désir non comme une chose, une réalité qui serait de l’ordre de l’avoir, mais plutôt comme relevant de l’être et du mystère.

Distinguer entre le besoin et le désir a un impact concret sur la manière dont on aborde la question de la vie affective et sexuelle de la personne avec une déficience intellectuelle. Le fait de se contenter de considérer la sexualité humaine uniquement comme un besoin implique de réduire la sexualité à la seule dimension de la génitalité et à la « consommation » de plaisirs génitaux. Cela revient à déconsidérer l’être humain en le réduisant à une pure animalité. Cela va à l’encontre de la dignité humaine. Rien de ce qui est humain n’est en effet purement animal. La sexualité humaine est mue par le désir sexuel qui est foncièrement relation, c’est-à-dire une voie privilégiée d’accès à autrui. Dès lors, la reconnaissance de la dignité de la personne vivant avec une déficience intellectuelle implique la reconnaissance de son désir sexuel comme véridiquement humain. La tendance à réduire le désir sexuel au « besoin » sexuel, à réduire le désir d’entrer en relation érotique avec autrui à l’expression du sexe génital est l’expression ultime de la déconsidération de la personne.

L’enjeu éthique de la question de la vie affective et sexuelle consiste à rendre attentif à l’exigence d’une attention réflexive de la part des personnes travaillant en institutions pour essayer de saisir, par-delà diverses expressions, la vraie demande qu’exprime la personne. Car elles ne sont pas de simples pourvoyeuses de réponses mécanistes, instrumentales, soumises à des protocoles, destinées à satisfaire un besoin sexuel qui relèverait de la génitalité, lequel – faut-il le rappeler ? –, n’est pas de l’ordre de la nécessité. Ils ne doivent pas envisager les demandes à caractère sexuel comme relevant de droit ou comme des problèmes à résoudre. Se contenter de répondre au besoin sexuel en refusant de prendre en considération le désir sexuel, désir d’entrer en relation avec autrui, constitutif de toute vie personnelle, ne fait qu’exprimer la déconsidération de la personne. On risque, en effet, de lui faire croire qu’on répond à sa demande d’ordre sexuel par une présence toute d’accueil, alors qu’il s’agit d’une « présence » manifestant un vide ou une absence, ou plus précisément de la vulgaire imitation de la présence personnelle, dépourvue de toute intériorité. L’imposture, la duperie qui crée et entretient l’illusion d’un lien relationnel, d’une relation authentique entre deux sujets, consiste à faire croire à la personne qu’on lui répond par un vrai regard, un vrai toucher, une vraie parole. Or, il n’y a qu’un simulacre et une illusion de présence, comme lorsqu’on installe un miroir dans une cage pour faire croire à l’oiseau qu’il a un « ami ». Le problème fondamental se situe dans le fait que ce simulacre de présence risque de devenir la manière courante, ordinaire, et même « éthique », de répondre à la demande de vie affective et sexuelle que formule la personne vivant avec une déficience intellectuelle.

Vie affective : entre intimité et pudeur

La vie affective ne se réduit pas à la dimension de la génitalité, elle est bien plus vaste. Elle implique des émotions et des sentiments. L’affection participe de l’animalité de l’être humain : il est capable d’être touché et affecté par ce qui l’entoure, par les gestes qui lui sont destinés ou les paroles qui lui sont adressées. Il ressent alors des émotions. Celles-ci, involontaires, expriment la passivité du sujet qui en est affecté et est ainsi mis en mouvement. Il est passif avant que n’interviennent la raison et la volonté éduquées en vue d’orienter ces passions. Alors que les sentiments se caractérisent plutôt par une disposition émotionnelle stable et durable en raison de la part active qu’y prend volontairement le sujet.

La vie affective de toute personne, qu’elle ait une déficience intellectuelle ou non, présuppose l’existence d’une intériorité, ce qu’on nomme l’intime, et qui est la marque de la singularité, de l’unicité de tout être humain. L’intime peut être décrit comme un for intérieur insaisissable et incompréhensible, profondément mystérieux.

Personne ne peut y pénétrer de force. Il faut y être invité. Parce que cet intime est fragile, on le protège de toute intrusion non voulue par la pudeur. Celle-ci protège ce qui en l’être humain est vulnérable.

Admettre l’existence de la vie affective d’une personne en situation de handicap, c’est en premier lieu lui reconnaitre et respecter une vie intérieure où elle demeure, ainsi qu’une intimité qu’elle protège de tout regard, parole et toucher intrusif à moins qu’elle n’en donne la permission. Cette reconnaissance exige, de la part des professionnels, de s’adresser aux personnes avec une déficience intellectuelle avec bienveillance et amabilité, de se rendre présents à elles en agissant avec sollicitude, tact et pudeur.

Pareille vie intime exige également un espace, un lieu où se déployer et s’exprimer. L’institution dans laquelle réside la personne est en réalité un lieu de vie dans lequel le professionnel est convié. Ce lieu est certes, dans un premier temps, une habitation qui répond au besoin naturel et nécessaire de se protéger contre les intempéries et le froid, contre l’insécurité, de se mettre à l’abri des importuns. Ce lieu d’habitation est aussi plus qu’une nécessité. Il est le lieu où la personne se sent chez elle. Après se l’être approprié, elle y développe des habitudes. Il est également le lieu où elle peut se retirer dans son intimité, où elle peut se recueillir. Se recueillir, c’est se séparer du monde. Grâce à ce recueillement, l’habitation se fait demeure. Alors peuvent se développer des liens amicaux, qui font partie de la vie affective et qui sont nécessaires à une existence heureuse. La personne humaine n’est pas faite pour vivre seule, sans amis. Il importe dès lors d’être attentif à l’instauration, au sein des institutions, de demeures, et au développement de relations privilégiées, des relations faites de complicités et d’amitié.

Conclusion

On ne saurait répondre aux demandes relatives à la vie affective et sexuelle formulée par des personnes vivant avec une déficience intellectuelle de manière automatique, en se soumettant à des protocoles ou en se contentant de dire que cela relève d’un droit. Il ne s’agit pas d’un problème à résoudre, mais bien plutôt d’une réponse à fournir, de la part du personnel encadrant et de l’institution, à des demandes, et cette réponse requiert un discernement prudentiel éthique réel. Il s’agit de prendre en considération le contexte et la singularité de chaque situation, et ajuster sa réponse à la suite d’un authentique dialogue délibératif entre la personne avec déficience intellectuelle – autant que faire se peut – et les diverses personnes qui l’éduquent et l’accompagnent. Appliquer des règles sans discernement en se réfugiant derrière « les droits » risque, paradoxalement, de faire souffrir davantage la personne concernée ; on peut alors parler de maltraitance. La vie affective et sexuelle ne se réduit pas à un « besoin » sexuel, à l’unique dimension de la génitalité, à savoir de la dimension animale en l’humain. Elle implique aussi et avant tout la dimension du désir sexuel profondément ancré en lui. Ce désir aboutit à une ouverture à une authentique relation réciproque entre deux personnes. Il ne s’agit cependant pas de séparer la génitalité et la profonde aspiration humaine à une relation personnelle. On ne saurait faire croire que la satisfaction de la génitalité entraine une certaine réalisation de l’objet du désir, objet qui est la relation interpersonnelle. En somme, au lieu de se focaliser sur la dimension génitale de la sexualité, il serait bon d’aider à l’épanouissement de la vie émotive et sentimentale, de la vie amicale au sein d’un lieu devenu une demeure. Il importe, par ailleurs, que les professionnels ainsi que l’institution portent un authentique jugement éthique, qui relèverait d’un discernement prudentiel. Ce discernement éthique, bien qu’exigeant, est nécessaire dans le cadre d’un accompagnement qui vise à entrer dans un processus d’humanisation aussi bien de la personne avec une déficience intellectuelle que des personnes qui l’accompagnent, car elles et ils ne sont pas de simples exécutants qui appliqueraient des procédures en se réfugiant derrière la notion de droit subjectif. Il s’agit donc là d’un sujet qui engage notre responsabilité à nous tous en vue du bien commun, laquelle concerne au premier chef les plus vulnérables.

Auteur

Bernard N. Schumacher
Professeur titulaire

Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de l’homme

Université de Fribourg

bernard.schumacher@unifr.ch

Références

Épicure (2005). Lettre à Ménécée. in Lettres et maximes. (7e éd.). PUF.

Levinas, E. (1983). Le temps et l’autre. PUF.

Levinas, E. (2006). Totalité et infini. Kluwer Academic Publishers.

Vasse, D. (1997). Le temps du désir. Seuil.

  1. Épicure fait usage de la notion de désir, ne distinguant pas entre désir et besoin. Nous reviendrons sur leur différence.